SHABBAT VAYÉCHEV
VEILLE DE HANOUKA
La paracha Vayéchev commence par une chute...
Yosef est vendu.
Vendu par ses frères.
Vendu par ceux qui parlent le langage du Sacré, mais qui ne reconnaissent pas la Présence lorsqu’elle se tient devant eux.
C’est toujours ainsi.
Le Tsadik n’est jamais reconnu par son entourage immédiat.
Il dérange trop.
Il révèle trop.
Il met en crise les certitudes, les statuts, les hiérarchies figées.
Ses frères ne sont pas des ignorants. Ils sont bourrés de Hokhmah, de savoir, de références, de raisonnements impeccables.
Mais ils manquent de Binah.
Ils savent, mais ils ne comprennent pas.
Ils pensent, mais ils ne relient pas.
La Hokhmah sans Binah devient froide, rigide, dangereuse.
Elle découpe le réel, elle classe, elle juge, elle exclut.
Elle est brillante, mais aveugle...
C’est la pensée d’Essav :
Intelligence linéaire, utilitaire, fondée sur les cinq sens et un mental étroit, héritier d’une logique qui ne connaît que ce qui se voit, se mesure et se contrôle.
Une pensée qui confond vérité et cohérence interne.
Une pensée qui croit comprendre parce qu’elle sait expliquer.
Mais Yosef ne se laisse pas expliquer.
Il ne se laisse pas enfermer.
Il rêve.
Et c’est précisément cela qu’on lui reproche.
Le rêve est insupportable à ceux qui vivent enfermés dans leurs schémas.
Le rêve ouvre des dimensions que la raison seule ne peut contenir.
Le rêve annonce un futur que le présent ne peut encore accueillir.
Alors on le vend.
On l’expulse hors du système.
On l’envoie en Égypte — dans la nuit.
Mais c’est là que se cache le paradoxe le plus profond de la Torah :
La vente du Tsadik est le processus même qui prépare la délivrance.
Sans la chute de Yosef, pas d’élévation.
Sans l’exil, pas de Mashiaḥ.
Sans l’obscurité, pas de Lumière.
Ḥanouka arrive précisément ici.
Pas par hasard.
Ḥanouka n’est pas la fête de la grande Lumière éclatante.
C’est la fête de la petite flamme, fragile, presque invisible, que l’on allume contre toute logique.
Une fiole d’huile absurde, insuffisante, dérisoire. Et pourtant éternelle...
Comme Yosef.
Comme le Tsadik.
Comme la Lumière Messianique.
Les Grecs — eux aussi — étaient pleins de Hokhmah.
Mais une Hokhmah coupée de la Binah, coupée de l’âme, coupée de la relation.
Une sagesse brillante, mais fermée.
Une sagesse qui refuse la transcendance.
Une sagesse qui n’écoute plus.
C’est pourquoi Ḥanouka ne se gagne pas par l’argumentation, ni par la démonstration, ni par la force
Hanouka se gagne par l’Allumage
Allumez la Lumière, même si vous ne comprenez pas tout.
Même si le monde vous vend, vous rejette, vous trahit.
Même si ceux qui parlent au nom du Sacré ne vous reconnaissent pas.
La Lumière ne demande pas l’autorisation des ténèbres.
Elle se contente d’être allumée.
Shabbat Vayéchev nous enseigne
Le Mashiaḥ ne naît pas dans les certitudes, mais dans les fractures.
Il ne vient pas de ceux qui savent, mais de ceux qui osent rester connectés.
Il ne vient pas de la pensée figée, mais du lien vivant entre Hokhmah et Binah, entre ciel et terre, entre rêve et réalité.
Ce Shabbat, veille de Ḥanouka,
Ne cherchez pas à convaincre.
Ne cherchez pas à prouver.
Ne cherchez pas à être compris.
Allumez.
Une Lumière à la fois.
Une âme à la fois.
Un geste simple, fidèle, silencieux.
Et la Lumière fera le reste.