Ki Tavo 

Prémices Malédictions  Mystère du retour

La Paracha Ki Tavo s’ouvre par les Bikourim, les Prémices des fruits d’Israël que l’homme apporte à Jérusalem. Dans la lecture kabbalistique, ces prémices représentent le Reshit, le Commencement, la part la plus intime de notre vitalité que nous devons élever vers la Source. Donner le commencement, c’est enraciner tout le reste de notre existence dans la reconnaissance.

Mais après cette élévation, la Torah nous fait traverser un passage vertigineux : La longue litanie des 98 malédictions. Selon le Ramban, elles annoncent les souffrances de l’exil et la destruction du Temple.

Kabbalistiquement, ces malédictions ne sont pas seulement des sanctions, mais l’ombre projetée de la Lumière quand Israël se détourne de sa mission. Chaque bénédiction non vécue se retourne en son contraire, comme une énergie restée en suspens qui devient douloureuse.

Le Zohar souligne que le chiffre 98 n’est pas fortuit. Il correspond à la valeur numérique de "צח" (tsakh), qui signifie « pur, limpide ». En d’autres termes, au cœur même des malédictions se cache la possibilité d’un raffinement, d’un dévoilement de la pureté par le feu des épreuves.

 

Le Lien avec Yom Kippour

La tradition liturgique rapproche souvent cette section de l’approche de Rosh Hashana et de Yom Kippour. L’idée est profonde : Avant de recevoir le pardon, l’homme doit entendre jusqu’au bout la résonance de ses actes. Les 98 malédictions fonctionnent comme un Vidouï collectif, une confession cosmique, durant laquelle le peuple tout entier prend conscience de ce qu’il a abîmé dans les mondes supérieurs.

Ainsi, la lecture des malédictions n’est pas seulement une menace, mais une mise en miroir : Elle permet de faire Téshouva, un retour sur soi,  avant que la réalité spirituelle ne se déploie dans le monde concret. De là le lien intime avec Yom Kippour : Par la Téshouva et le jeûne, l’énergie des malédictions est réintégrée, transmutée, retournée vers sa racine de pureté.

 

La Haftara – Lumière sur l’ombre

La Haftara d'Isaïe 60 vient comme une guérison. Après les ténèbres des malédictions, le prophète annonce :

« Lève-toi, resplendis, car ta Lumière est venue. »

Les Kabbalistes nous expliquent qu'il s’agit du passage du Din (Rigueur) à Ra’hamim (Miséricorde).

Jérusalem devient  point focal de la Lumière Divine

Qui éclaire toutes les Nations

Là où les malédictions montraient la dispersion et la souffrance, Isaïe dévoile le rassemblement et la gloire.

Le contraste est intentionnel : Israël doit d’abord entendre les conséquences de la séparation, pour ensuite recevoir la promesse de la rédemption.

Comme le cycle de l’âme : Descente dans la brisure (Shevira) puis remontée dans l’unité, Réparation (Tikoun).

 

« Bé’itah » et « A’hichéna » 

La Haftara se conclut sur le paradoxe : La délivrance viendra soit « en son temps » (בְּעִתָּה), soit « précipitée » (אֲחִישֶׁנָּה).

  • Bé’itah représente le chemin naturel de l’histoire, où l’humanité mûrit lentement jusqu’à la délivrance.

  • A’hichéna représente le saut, l’accélération, lorsque par la téshouva, la prière et le mérite, Israël attire la lumière avant le temps fixé.

 Secret du Libre Arbitre 

Chaque âme, chaque acte, peut hâter la venue du Machia’h. Les 98 malédictions nous montrent la pesanteur du «Bé’itah», la lourdeur de l’histoire quand elle suit son cours. Mais la lumière de la Haftara ouvre la porte de «A'hichéna» : Un raccourci, une percée de miséricorde.

 

Rabbi Shimon enseigne dans le Zohar que même dans la plus grande obscurité, une étincelle de lumière attend d’être révélée. Les malédictions de Ki Tavo ne sont pas la fin mais le voile qui cache la bénédiction.

Rabbi Naḥman ajoute que là où l’on tombe, c’est précisément de là que l’on peut s’élever.  Même les descentes les plus amères contiennent déjà le germe de la délivrance.

Ainsi, Yom Kippour devient le lieu où nous transformons l’ombre en clarté, et où chaque malédiction se convertit en tremplin vers la Lumière du Machia’h.

 

 

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